L'énigme de la tortue du lac Hoan Kiem

09/04/2012 17:29

Maryse Leduc-Michel, une amie française, nous a écrit d’Hanoï il y a quelques semaines. Elle y vit désormais après avoir été ambassadrice des lettres françaises à Alger. Elle avait vu la tortue géante du lac Hoan Kiem ! Et avait fait un vœu, comme le veut la tradition. Ce vœu, bien sûr, portait sur Fanny.

 

Même si Maryse la discrète ne nous en a rien dit, moi je le sais, l'histoire fut la suivante :

La Belgique avait ces jours-là une délégation d’hommes d’affaires autour de notre Prince Philippe. Au petit matin, celui-ci se promenait le long du lac Hoan Kiem avec sa chère et tendre, la future Reine de Cœur. Ce lac est magnifique. De l’autre côté de cette étendue d’eaux vertes hérissées de bambous et de roseaux, on aperçoit des pagodes éclairées par des lampions scintillant d’un jaune d’or qui reflète ses trainées comme les filaments d’une guirlande de Noël. Si proche de la cohue de la ville qui se réveillait, c’était apaisant. Mathilde proposa à son royal époux de le prendre en photo devant ce paysage idyllique. Auréolé d’un lever de soleil encore hésitant, Philippe recula. Pour jouer avec les reflets dans l’eau, il s’aventura sur des rochers, et prit la pose. Il faut dire qu’à 50 ans passés, notre Prince a encore des allures de dandy sportif, sorte de boucanier perpétuellement bronzé à la barbe Indiana Jones fleurie. Les rires de la Princesse réveillèrent les grenouilles qui doraient leurs cuisses au soleil levant en attente d’un destin gastronomique dont elles ignoraient encore les moindres détails. Plat 37 ou 48 à la carte du menu ? C’est sans doute sciemment qu’on ne leur en disait trop rien. Mathilde rigolait des singeries de son noble conjoint, lequel semblait chercher son équilibre, comme s’il était sur un immense ballon gonflable. Pour faire rigoler ses enfants, Philippe a toujours imité les otaries à merveille. Si bien d’ailleurs que comme la première otarie venue et sous les yeux soudain horrifiés de sa belle princesse, il culbuta dans les eaux limpides du lac Hoan Kiem juste au moment où le clic clac de l’obturateur princier résonnait de nénuphar en nénuphar. Plouf.

 

L’athlétique et altier salto de l’atypique altesse n’était finalement dû qu’à une grossière méprise. L’énorme rocher sur lequel il avait posé son sourire crispé n’était autre que Nay-Thouil-Minh-Tue, la tortue géante du lac Hoan Kiem. Symbole s’il en est de la sérénité, Touh-Touille, comme l’appelaient les poissons du lac, n’avait qu’une chose en détestation : les santiags ! Or, les pieds de sa majesté en étaient chaussés, coquetterie qu’il ne s’autorisait qu’en catimini de ses petits matins à l’étranger. Ou alors, bien sûr, lorsqu’il était seul dans la salle de bains de son palais de Laeken. Touh-Touille était dès lors sortie d’une léthargie de près de 27 ans pour ébrouer quelque peu ses écailles coriaces, histoire de faire fuir ces santiags inopportunes.

 

Fort heureusement, les photographes de Paris-Match somnolaient encore de l’excès d’alcool de litchi qu’ils avaient trop ingurgité la veille avec la crème du gotha économique des amitiés belgo-vietnamiennes. Emergeant des eaux tel un morse coiffé d’un nid d’hirondelle au curry de bambou, le Prince faisait se poiler les rainettes locales qui se tapaient les cuisses en cadence. Blub blub fit l’homme grenouille en écho au clicliclicliclic caractéristique du moteur enrayé du vieux Nikon argentique que le couple princier avait acheté sur un marché d’Hô-Chi-Minh-Ville. Les morses, Tien-Kay-Nouille la grenouille les avait toujours aimés, même s’il était plutôt rare d’en croiser dans les eaux vertes du lac Hoan Kiem. Posée sur son magnifique lotus bleu, la coquine approcha ses lèvres étonnamment pulpeuses des poils de moustache de son morse au torse corsé. Notre futur Philippe Premier n’a jamais su très bien que faire face à un bisou qui manifestait son intention à l’égard de son auguste personne. Tout le monde se souvient de son mariage où, au moment fatidique de la synchronicité nuptiale, il avait fait mine de vouloir effleurer sa princesse de trois bises légères, smak smak smak, comme il l’aurait fait avec n’importe quelle tantine Saxe-Cobourg-Gotha lors des étrennes du nouvel an. C’était alors que constatant l’inexpérience buccale de son époux tout frais, la maligne Mathilde l’avait affublé d’un noble patin qui avait fait s’exclamer à l’unisson le petit peuple des sujets de leurs majestés sous les airs d’une Brabançonne en deux langues.

 

Mais ici ?... Le Que Sais-je du Petit Futur Monarque Illustré ne donne guère d’éclairage sur ce qu’il y a lieu de faire lorsque, dégoulinant d’eaux vertes et d’algues poisseuses, on se retrouve face à une grenouille étrangère mais non moins entreprenante. Quel pesant fardeau pour un roitelet parmi les roseaux ! L’incident diplomatique couvait. Quoi quoi ? fit le prince en réponse au Koah Koah crapauté par la courtisane. N’écoutant que son instinct plénipotentiaire, il s’enhardit. Et comme le lui avait appris sa souveraine fiancée, il gratifia l’animale d’un patin à l’impériale. La crapaude vira au cramoisi, bomba le torse et se fit d’un coup plus grande et plus grosse. L’effet fut bœuf. Ou plutôt vache : devant le prince médusé apparût en effet une geisha vietnamienne dans un rutilant costume traditionnel. L’indochinoise avait de la chienne, et ce fut alors l’aristo plein d’asticots qui piqua un fard et bafouilla un bref « Euh bonjour madame ».

 

La dame, tout le monde l’aura compris, était une fée. Mais pas n’importe quelle fée. Une fée au sang bleu. Une fée à la noblesse évidente et de haut rang. Une fée marquise pour tout dire. Or, si les vulgaires fées peuvent se contenter d’un simple baiser roturier, les fées de la Haute, elles, nécessitent une bave seigneuriale pour sortir de la condition tétarde dans laquelle les ont plongées les maléfices d’une vilaine sorcière à la jalousie perverse. Il faut bien reconnaître que peu de touristes aristocratiques ont foulé les berges du lac Hoan Kiem depuis les quatre siècles et demi pendant lesquels Tien-Kay-Nouille s'est évertuée à trôner sur son lotus bleu. Et parmi ceux-là, rares sont ceux qui se sont mis en tête de rouler un patin à une rainette quand bien même exotique. La geisha raconta l’histoire à son sauveur dans un français hasardeux du 16ème siècle aux accents tonkinois évidents. Elle lui expliqua que pour le récompenser de sa bravoure elle exaucerait son vœu le plus cher.

 

Quel vœu donc le Prince pouvait-il formuler ? Que son Albert de père abdiquât bientôt ? Ou que son Laurent de frère ait enfin la distinction de moins se distinguer ? Tout le monde le sait : Philippe a beau être le seul Belge qui n’ait jamais eu à se poser la moindre question quant à son avenir professionnel, il reste que c’est un fameux indécis. Et la geisha n’avait pas que ça à faire. Elle voulait rentrer à la maison. Son mari l’attendait, certainement impatiemment, vous pensez. D’autant plus qu’elle s’en souvient, elle avait laissé quelque chose sur le feu. Allez, fissa fissa ! Mais c’est alors que Mathilde, qui venait enfin de réussir à arrêter le moteur enrayé de son appareil photo, se rendit compte que son petit oiseau des îles de mari était en train de se pavaner devant une vahiné aux formes aguichantes. « Eh bien, mon ami ?!... » tonitrua-t-elle.

 

Philippa bafouilla. Il n’avait jamais été très fortiche en matière d’éloquence. Et encore moins face à sa douce Mathilde qui l’intimidait encore tellement c’était elle qui portait les culottes. Alors, si en plus elle se mettait à hausser le ton, diantre et pardi, il se faisait tout petit. « Euh… balbutia-t-il, c’est euh… la Tonki… la Tonkiki… La Tonkinoise… » Face à ce discours d’un roi pour le moins bizarre, la princesse décréta que son époux avait pris froid et qu’il était temps de rejoindre la délégation à l’ambassade. D’autant plus que la geisha en avait profité pour filer à la Vietnamienne. Zou ! Aucun paparazzi n’avait enregistré la scène, l’honneur était sauf, allez, Philou, on y va !

 

 

* * * * *

 

 

C’est environ une vingtaine de minutes plus tard que mon amie Maryse commença sa promenade sur les rives du lac. Elle cherchait des flamboyants pour la collection qu’elle a entamée dès à son arrivée à Hanoï il y a quelques années. Or, les plus beaux spécimens de flamboyants se trouvent, c’est bien connu, sur les bords du lac Hoan Kiem. Maryse marchait les pieds dans l’eau en chantonnant. Elle adore chanter, Maryse. Surtout dans la nature au petit matin. Tout d’un coup, elle fut intriguée par des traces de pas imprimées dans le sable du rivage. Des santiags ! Ça alors. Ça n’était pas qu’il n’y eut point de santiags à Hanoï. Mon dieu, il en pleuvait dans les marchés parallèles. Mais là, ces santiags semblaient sortir direct du lac. Comme si un homme-grenouille était sorti des flots chaussé d’une paire de santiags… Bizarre, non ?

 

C’est alors qu’elle cherchait à comprendre le phénomène qu’elle aperçut la tortue. La tortue géante du lac de Hoan Kiem. Là, à deux mètres d’elle ! C’est Nan-Thuyen qui lui en avait parlé. La tortue géante ne se montre qu’aux personnes vertueuses, avait-il expliqué. Il faut alors faire un vœu. Et à tous les coups, il sera exaucé. Bien sûr, Maryse ne croyait pas à ces balivernes. Nan-Thuyen était superstitieux. Et grand amateur de liqueur de litchi. Il racontait tant de choses plus invraisemblables les unes que les autres que Maryse avait décrété que rien de tout cela n’était vrai. Pas même, à vrai dire, l’existence de la tortue géante du lac de Hoan Kiem, dont il se disait qu’on ne l’avait plus vue depuis une quarantaine d’années, c’est dire. C’était un peu le monstre du Loch Ness couleur locale. Une tortue géante dans un lac d’eau douce !...

 

Et pourtant, Nay-Thouil-Minh-Tue était bien là, vautrée dans un mètre d’eau, les yeux vitreux observant la Française. Elle semblait narquoise. Ou excédée, Maryse ne pouvait le préciser. Elle s’y connaissait plus en flmaboyants qu’en tortue géante, elle le reconnaissait aisément. Elle ne pouvait détacher son regard de ce phénomène zoologique unique. Elle s’approcha légèrement, l’eau lui remontant jusqu’aux genoux. La tortue commença à baragouiner en mauvais français, ce français que les vieux dans la région parlent encore avec plaisir.

  • Ça y est, dit-elle d’un air mauvais, tu vas encore me demander d’exaucer un vœu ?...
  • !... …
  • Oh j’en ai marre de tous ces trucs à la con ! On n’arrête pas de me demander d’exaucer des vœux, et moi j’en ai rien à cirer. Les gens veulent devenir riches. Ou beaux. Ou trouver le parfait amour !... Mais qu’est-ce que j’en ai à foutre moi, de ces conneries ? Tu crois que je suis riche ? Ou belle ? Et avec qui tu crois que je peux filer le parfait amour ? Avec des grenouilles et des crapauds ?

Maryse n’avait jamais entendu des propos aussi défaitistes, voire aussi méchants, d’un tel symbole de sérénité. La tortue n’était pas sympa du tout ; elle râlait sec et ne semblait absolument pas prête à écouter le moindre vœu. Et encore moins à l’exaucer !

  • Moi je ne crois pas à vos conneries à vous, fit Maryse d’une voix douce en enjouée.
  • Qu’est-ce que tu veux dire ?...
  • Ben que je ne crois pas du tout à vos prétendus pouvoirs magiques. Une tortue ! Allez, qui donc peut croire à de telles inventions de buveurs de liqueur de litchi ? En plus, moi je m’en tape. Je ne veux pas être riche, je me trouve bien comme je suis, et le parfait amour, je le vis déjà. Depuis des dizaines d’années !
  • Tu ne me crois pas ?! fit la tortue d’un air vexé.
  • Non, pas du tout !

 

La tortue se taisait. De temps en temps, ses lourdes paupières retombaient comme si elle s’apprêtait à s’endormir à nouveau pour quelques dizaines d’années. Et puis, péniblement, elle rouvrait les yeux pour voir si son interlocutrice était toujours là. Son visage trahissait une ambivalence. Elle faisait tout pour montrer son exaspération – Encore là ! Mais tu n’as pas compris que je ne ferais rien pour toi ? semblait-elle dire –, mais au pli de la commissure des lèvres et à la dilatation de ses pupilles, n’importe quel spécialiste des tortues géantes aurait pu facilement déceler un soulagement évident.

  • Bon, finit-elle par dire, je vais te faire une fleur… Je vais exaucer un vœu.
  • Mais je n’ai rien à demander !
  • Taratata, tout le monde a des souhaits. Toi aussi, je le sais. Mais je vais te faire un aveu : j’ai perdu la main. Pour tout dire, je n’en ai exaucé qu’un de vœu. Un seul, mais celui de toute une population. Il y a bientôt quarante ans. Tous voulaient la fin de la guerre. Et donc j’ai obtempéré. J’ai pensé très fort à la sagesse et à la sérénité, et Le Duc Tho a signé le cessez-le-feu avec Kissinger. C’était, je m’en souviens bien, le 27 janvier 1973. Après, tout le monde a défilé ici pour m’en demander toujours davantage. Mais ça ne marchait plus. Alors, depuis des dizaines d’années, je me cache…
  • Mais alors, comment allez-vous exaucer mon vœu pour autant que j’en formule un ?
  • C’est Tien-Kay-Nouille la grenouille qui est redevenue la geisha flamboyante qu’elle était auparavant, grâce au baiser du petit prince qui m’a réveillée. Mais avant d’exaucer son vœu, la pauvre était pressée et elle a pris la poudre d’escampette. Tout en me laissant son pouvoir. Le problème, c'est que le prince est parti, et moi je veux me cacher à nouveau. Regarde… il suffit de formuler et de souffler sur ma carapace.
  • Après la poudre d’escampette, celle de perlimpinpin…
  • Non, non, elle, Tien-Kay-Nouille, elle a de vrais pouvoirs. Mais la règle veut que tu résolves d’abord une énigme…

Ah ça, les énigmes, Maryse, femme de lettres, elle aimait bien. Ça l’intriguait en tout cas, une énigme venant de la tortue géante du lac Hoan Kiem.

  • J’écoute, dit-elle amusée.
  • Tu ne pourras pas trouver… C’est compliqué. Ecoute-moi bien : « De son nom le sommeil qu’il procure nous sort… »
  • ?...
  • Ah ! Je te l’avais dit : tu ne trouveras pas !
  • Attendez, attendez…

Maryse réfléchit. Ça lui dit quelque chose mais quoi ? Attendez, attendez… Qu’a-t-elle fait ce matin ? Parce que oui, ça lui dit bien quelque chose. Elle s’est connectée sur Facebook, pour avoir des nouvelles de Fanny, cette gamine de 15 ans qui lutte pour sa vie depuis trois mois à 9.000 kilomètres d’ici. Les nouvelles commençaient à être bonnes, grâce à une équipe médicale de choc, avec deux toubibs, un Brésilien et… oui, oui, c’est ça :

  • Le docteur Brouillard, anesthésiste ! L'anesthésie qui sort les malades du brouillard...

La tortue est abasourdie. Jamais elle n’avait cru que sa nouvelle amie découvrirait la clé de l’énigme. Mais ça l’arrangeait : elle pourrait bientôt à nouveau piquer un roupillon de quelques dizaines d’années.

La suite de l’histoire, on la connaît : Maryse fit un vœu en faveur de Fanny ; elle ramassa quelques magnifiques flamboyants pour sa collection ; et elle rentra chez elle poster son commentaire sur Facebook : « J'ai vu ce jour la tortue géante du lac Hoan Kiem à Hanoi. C'est un beau présage car elle ne se montre pas souvent. La coutume veut que l'on fasse un vœu. C'est fait Fanny, pour ta Guérison... »

C’était le 14 mars dernier.

 

 

* * * * *

 

 

La suite de la suite de l’histoire, en revanche, personne ne la connaît.

Les milliards d’infimes particules qui constituaient le vœu de Maryse, et qui avaient été soufflées de la carapace de la tortue, erraient en suspension au dessus du lac Hoan Kiem. Pensez quand même : Tournai, de là-bas, c’est quelle direction ? Et puis, quel voyage ! Un vœu n’en avait jamais fait de pareil. L’indécision régnait parmi les particules. Que faire ?

 

Le lac Hoan Kiem au printemps est le rendez-vous de millions de grenouilles. C’est l’époque et le lieu des amours. Des dizaines de millions d’œufs y sont déposés, regorgeant d’espoir de vie qui rayonne dans une espèce de sphère virtuelle qui englobe le lac.

Les grenouilles avaient arrêté leurs ébats passionnés pour assister à la rencontre entre ce prince plutôt charmant et leur amie Tien-Kay-Nouille. Elles avaient applaudi en chœur à la métamorphose de celle-ci. Ensuite, elles suivirent avec intérêt le dialogue entre Maryse et la tortue. Elles croyaient toutes que c’était une légende, cette histoire de Nay-Thouil-Minh-Tue.

Lorsqu’elles virent le nuage de particules de vœu flotter au-dessus d’elles, elles comprirent qu'il y avait du vrai. Mais elles savaient aussi qu’il y avait lieu de l’activer un petit peu pour qu’il prenne la route. Elles n’avaient jamais entendu parler de Tournai, mais avaient bien compris que c’était loin, très très loin. Elles se concentrèrent très fort, le potentiel de télépathie des grenouilles étant, comme chacun sait, particulièrement efficace. Et à partir de leurs dizaines de millions de futurs têtards firent monter un peu de l’énergie de vie qui y officiait. Tout d’un coup, le nuage s’ébranla, s’osant même quelques pirouettes d’encouragement. Une nuée de papillons s’empara des particules pour en accélérer le mouvement. Le Lièvre de Mars, cousin éloigné du Lapin Majuscule, attendait sur les berges, vêtu de ses plus beaux atours. Avec ses oreilles, il indiquait la zone d’atterrissage dans un champ de luzerne parsemé de flamboyants d’un bleu de lotus. Pour se poser, les particules prirent la forme d’un œuf à l’ovalité parfaite. Sans attendre, le Lièvre de Mars s’en saisit et prit les pattes à son cou. De temps en temps, rien ne sert de seulement compatir, il faut savoir courir à point, le lièvre et la tortue en sont un témoignage.

 

Une course effrénée démarra donc le 14 mars. Neuf mille kilomètres. Arpentant les landes, des lièvres en veux-tu en voilà. Une course du cœur en relai, traversant la Chine, l’Afghanistan, l’Iran, la Turquie. Le 1er avril, on confia l’œuf à un poisson pour traverser le Bosphore. Ce fut le Saumon de la Sagesse qui s’en chargea, escorté de toutes ses sirènes. En Europe, c’est le Lapin d’Avril qui prit le relai, et fut suivi ensuite par toute la confrérie des Lapins Blancs. Bulgarie, Serbie, Croatie, aucun lièvre ne posa de lapin, tous étaient au rendez-vous, offrant leurs relais longue haleine à la guérison de Fanny. Une flamme olympique passait de pattes en pattes, brillant dans les cœurs, tant la devise était que cette fois-ci, foin de participer il fallait gagner ! Contre la montre et le mauvais sort du funeste 22 décembre.

 

Enfin la Wallonie, qu’il fallait traverser de part en part. A Namur, le Lapin de Pâques prit le relai. Et c’est ce lundi après-midi, lundi de Pâques comme il se doit, qu’il remit l’œuf du vœu de Maryse à son cousin, le Lapin du Lundi, un peu perdu il faut dire parmi des centaines de marcheurs sur les pentes du Mont-Saint-Aubert, juste à hauteur du Col de la Croix Jubaru. Les dernières centaines de mètres furent redoutables. L’heure était grave. Une haie de rubans jaunes accueillit le Lapin du Lundi à l’entrée de la Dorcas vers 17h30.

 

Du 14 mars au 9 avril, 9.000 kilomètres et quelques à pattes de lièvre. L’œuf aux millions de particules contenant le vœu du Vietnam, rempli de l’énergie de vie des dizaines de millions d’œufs de grenouille du lac Hoan Kiem, est maintenant près de Fanny.

A 18h30, une bonne dizaine de milliers d’amis, connus ou inconnus, souffleront dans la direction de la clinique. Et Fanny, oui, oui, donnera un coup de fouet à son magnifique chemin de guérison.

 

par Pierre Guilbert, lundi 9 avril 2012, 17:29