J'avais un rêve (Béa)

17/08/2012 21:39

Fanny,
J’avais un rêve. Oh, un tout petit rêve sans prétention. Depuis des années, je rêvais de voir les champs de lavande en fleur, de voir ce bleu s’étendant à l’infini au point de se confondre avec le bleu azur du ciel, de humer cette senteur si particulière et si douce. Nos pas nous ayant conduit cet été en Ardèche où ces champs fleurissent comme en Provence, ce rêve est devenu, je dirais, à moitié réalité. En effet, la saison étant déjà fort avancée, nous n’avons plus trouvé que quelques lieux qui n’avaient pas encore été récoltés et le bleu des fleurs était un peu passé. Tout à la fois heureuse et déçue, mais me rendant compte que les rêves auxquels on attache parfois tant d’importance ne nous apportent pas nécessairement ce que nous imaginions.
En fait, quelques jours auparavant, j’ai vécu un moment beaucoup plus fort et beaucoup plus intense, et pourtant celui-là, je ne l’attendais pas, je ne le rêvais pas, mais il m’a touché au plus profond de mon cœur. Un petit bout de route sur le Chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle, une grimpette avec mon petit sac à dos orné de ton ruban jaune jusqu’à la Chapelle saint Michel du Mont d’Aiguilhe, un défi pour moi, une satisfaction d’arriver au sommet sans avoir le cœur dévasté, sans vertige, et surtout toute en pensée avec toi, Fanny, parce que j’avais la sensation de parcourir symboliquement le chemin que tu vis depuis plus de sept mois, maintenant. Un escalier de 268 marches taillées à même le roc, ponctué de trois paliers aménagés à la place d’anciens oratoires où l’on peu souffler un peu, se recueillir après l’effort pour repartir de plus belle vers ce lieu chargé d’émotion.
Petite chapelle romane construite sur un piton volcanique d’une hauteur de 82 mètres, son édification sur un lieu sacré dédié au dieu Mercure débuta dans les années 950, à l’initiative de l’évêque du Puy, dénommé Godescalc qui revenait de Saint-Jacques-de-Compostelle. Elle fut inaugurée en 962, mais devint vite trop petite vu l’affluence des pèlerins. Elle fut donc agrandie au XIIe siècle en épousant les contours du rocher, ce qui lui confère cet air d’irrégularité qui fait sans doute son charme. Ornée de peintures magnifiquement conservées, sur la voûte du chœur nous apparaît notamment le lion de saint Marc, encore de quoi nous ramener à toi, petite lionne, tout comme saint Michel terrassant le dragon, terrassant tes dragons, à l’aide des chevaliers de la nuit. Dans cette chapelle régnait une ambiance particulière, feutrée, amenant immanquablement au recueillement, quelles que soient nos convictions religieuses et, toi Fanny, tu m’as amenée à faire une chose que je n’avais jamais faite, j’ai allumé un cierge pour la première fois de ma vie. L’ambiance était trop particulière, comme une sorte d’apesanteur, impossible de quitter ce lieu sans allumer cette flamme pour toi. Pendant quelques minutes, je me suis assise, et me suis recueillie, certes, de manière non chrétienne, avec des pensées toutes particulières pour toi, imprégnée de toutes les pensées presque tangibles flottant dans l’air, laissées par ces pèlerins venus par milliers depuis des siècles.
Est venu, avec regret, le moment de quitter ce lieu d’apaisement, de béatitude, et de rejoindre un monde un peu plus terre à terre. Mais avec en tête, un « Je reviendrai » très intense.
D’un rêve bleu lavande à une évasion entre ciel et terre, petite tranche de vie où tu m’as accompagnée de façon formidable, Fanny ! Merci pour tout ce que tu m’apportes.
Pour que ta route à toi soit douce et ponctuée de ces moments-bonheur qui permettent d’avancer.
Je t’embrasse tendrement.
Béa.