Demain c'est samedi

16/03/2012 20:48

Drôle de vendredi.

Premiers jours de printemps. Soleil tantôt radieux tantôt hésitant, températures qui s’enhardissent et jouent à la balançoire dans la dizaine, les écharpes qui s’échappent, les pulls qui se tirent, les mitaines à mi-temps. L’hiver s’en va du bout des pieds, la vie revit. Les sourires sortent sur les terrasses, les rires éclatent d’un verre à l’autre.

 

Drôle de vendredi.

Dernier vendredi d’un hiver d’une tristesse sans pareil. Le premier vendredi de cette saison funeste sortit d’un lit maussade tant d’amis de Fanny. Au réveil, la stupeur saisit d’effroi tout le monde dans ce froid nouveau. Qu’allait devenir Fanny ? Mais la vie va vite. Minute après minute, heure après heure, jour après jour, Claude et Jérôme vivront tout cet hiver triste au rythme des espoirs et des déceptions, des craintes ultimes et des sursauts quand bien même infimes. D’un premier vendredi à un dernier vendredi, l’hiver laissera des traces. Qui ne sont pas toutes moches, loin de là.

 

Drôle de vendredi.

Alors que Fanny hume son Nutella et reçoit la tendresse, la Belgique pleure ses enfants. Un deuil national réellement fédéral. Fédérateur. L’union fait la force dans la douleur. On grimace, mais on fait face. Tout le monde se sent parent aujourd’hui. Et a mal à sa marmaille. On est tous orphelins d’enfants, l’horreur. C’est le comble du comment-est-ce-possible. Dans cette belle minute de silence de onze heures, tant de jeunes se sont émus. Et j’en suis sûr, Fanny, de nombreuses pensées positives ont fait un tour de Belgique pour se poser à ton chevet. Parce que tout d’un coup, on se dit que les nouvelles enfin se font peut-être plus belles.

 

Drôle de vendredi.

Demain Tournai fait son carnaval. Rires et confetti. Serpentins et farandoles. Le ruban jaune ne sera pas de mise, mais il sera dans des centaines de cœur de carnavaleux. Et vers les 18h30, quand le feu du Roi Carnaval symbolisera l’exil de l’hiver, sûr qu’à nouveau de nombreux regards joyeux s’adresseront à toi, Fanny. Tous te souhaiteront la bienvenue au Carnaval 2013. Tu pourras en être la Reine, non ?

 

Drôle de vendredi.

Ce soir j’attendais le bus. Une odeur flottait près de l’aubette. Muguet ou lilas ? Un peu des deux. Mystérieuse. Je pensai qu’une femme s’était essayée à un nouveau parfum. Mais non, l’odeur envoûtante et douce virevoltait autour des usagers usagés qui s’impatientaient patiemment. Je vis alors une plante sauvage. Avec des espèces de brin de muguet un peu rabougris. Pas beaux mais qui sentaient délicieux. Je ne connaissais pas cette plante à l’odeur si précoce. Jamais vue ! Je voulus en prendre un brin, même s’il était moche, comme fané avant terme. Mais la plante était remplie d’épines. Je n’y ai pas touché, laissant la nature se protéger. Qui s’y frotte s’y pique.

 

Je me suis dit que cette drôle de plante aux feuilles espinales était à la mesure de ce drôle de vendredi de deuil national. Entre tristesse et tendresse. Entre émotions envoûtantes et peur d’avoir mal. Ou mal d’avoir peur. Peut-être dans tes tentatives d’éveil, tu sens ce muguet lilas pointer au bout de ton nez. Mais sans doute tu crains encore de t’y piquer. Tu hésites. Mais l’hiver touche à sa fin, le printemps te tend les bras. Sans épines. Demain, c’est samedi. La vie renaît, les jours rallongent. Et bientôt tu pourras sourire. Au muguet, au lilas, au Nutella. A ta maman et ton papa. Et alors le Roi Carnaval aura vaincu cette saison funeste qui n’a qu’un temps. Demain, c’est samedi, Fanny !

 

par Pierre Guilbert, vendredi 16 mars 2012, 20:48